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DECLARATION DE S.E. MADAME LA MINISTRE DE LA PROMOTION DE LA FEMME ET DE LA PROTECTION DE L’ENFANT DEBAT PUBLIC DU CONSEIL DE SECURITE DE L’ONU SUR A VIOLENCE SEXUELLE LIEE AU CONFLIT (Par Vidéoconférence) Niamey le 17 Juillet 2020

Monsieur Heiko Maas,

Mesdames et Messieurs,

 

C’est pour moi un honneur de prendre la parole à l’occasion de ce débat public annuel sur la violence sexuelle liée au conflit.

 

Le thème de la présente rencontre est plus que pertinent dans un contexte mondial caractérisé par une recrudescence des violences basées sur le genre en général et la violence sexuelle liée au conflit en particulier.

 

Comme si les guerres n'étaient pas assez dévastatrices, de milliers de personnes souffrent de violences sexuelles inhumaines en temps de conflit, commises comme stratégie de guerre, de répression politique, de torture et de terreur. Le rapport du Secrétaire General des Nations Unies sur la question vient confirmer cette triste réalité. C'est une question qui nous concerne tous et qui doit être combattue, c'est pourquoi le Niger se félicite de cette importante réunion et remercie la Représentante Spéciale du Secrétaire Générale, Pramila Patten ainsi que les représentants de la Société Civile pour leurs exposés édifiants.

 

S'exprimant à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination des violences sexuelles en temps de conflit, le prix Nobel de la paix Denis Mukwege nous a rappelé que de tels actes provoquent la désintégration du tissu social et compromettent toute perspective de paix durable.

 

Monsieur le Président,

 

Je voudrais attirer l'attention du Conseil de Sécurité de l’ONU et des États membres sur la situation particulière de vulnérabilité accrue à laquelle sont confrontées les populations dans la région du Sahel.

 

Depuis quelques années, la zone des trois frontières et le bassin du Lac Tchad font face à une situation d’insécurité aggravée par plusieurs facteurs tels que la présence des groupes armés terroristes, la prolifération d’armes légères, l’insuffisance d’opportunités socio-économiques, les tensions communautaires et l’exclusion des jeunes filles et garçons aux sphères décisionnelles.

 

Il a été constaté que la violence à l’égard des femmes et des filles connait une recrudescence sans précédent notamment dans les régions de Diffa et Tillabéri où celles-ci subissent des dures épreuves. Ces actes constituent une violation de leurs droits humains.

 

Dans la région du Bassin du Lac Tchad, des groupes terroristes, tels que Boko Haram, procèdent à des enlèvements de filles et de femmes pour ensuite intégrer ces dernières, de force, dans les rangs des combattant(e)s. Les mariages forcés, l’esclavage sexuel et l’exploitation économique deviennent le lot quotidien de ces victimes. Nous avons tous en mémoire l’enlèvement des filles de l’Ecole Polytechnique de Chibock et de Daptchi au Nigéria et, celle moins médiatisée mais toute aussi douloureuse des femmes de N’galewa au Niger. Au courant du premier trimestre 2020 dans cette région de Diffa, 54 incidents d’enlèvements pour 144 personnes, dont 48 femmes et 29 enfants, ont été enregistrés.

 

Le Niger appelle les États membres à soutenir la réintégration des personnes victimes de violences sexuelles liées aux conflits armés – avec une approche axée sur les personnes rescapées et les survivantes tels que préconisée par la résolution 2467 du Conseil de Sécurité de l’ONU. Cette approche est importante d’autant plus qu’elle prendrait en compte les spécificités du contexte. Dans la plupart de nos communautés, ces actes de violences sexuelles sont difficiles à monitorer car rarement signalés, soit parce que les services compétents n'existent pas, ou parce que les familles, soumises à de fortes pesanteurs socioculturelles, ont peur de la stigmatisation sociale. Les victimes souffrent en silence.

 

Monsieur le Président,

 

Ce travail de prise en charge des victimes de violence sexuelle ne peut être fait de manière adéquate sans données contextuelles. C’est pour cela que mon département ministériel a réalisé en 2015, une étude sur l’ampleur et les déterminants des violences basées sur le genre au Niger.

 

Ce travail de recherche a révélé qu’au Niger, 53% de la population subissent ou ont subi des violences basées sur le genre au courant de leur vie. Les enfants constituent une frange importante de personnes touchées par ces violences avec notamment le mariage d’enfants. Le taux de prévalence national de violences basées sur le genre est de 28,4% alors que le taux de prévalence de la violence sur la population féminine est de 60%. Les femmes et les filles sont, donc, plus susceptibles d’être victimes de violence basée sur le genre au Niger.

 

Les situations d’urgence, les crises humanitaires liées aux catastrophes naturelles et les déplacements de populations qui en découlent aggravent la vulnérabilité des femmes et des filles. Dans les tous premiers instants d’un désastre, ces groupes vulnérables peuvent être exposés à des risques spécifiques tels que leur séparation avec leur famille, qui peuvent les rendre vulnérables à la traite, aux enlèvements et aux agressions sexuelles.

 

Monsieur le Président,

 

Conscient du fait que ces violences constituent un frein à la réalisation des objectifs de paix, de développement durable et de promotion des droits de la personne humaine, notre pays a pris des mesures législatives, juridiques, institutionnelles et administratives pour y remédier.

 

Le Niger a, entre autres, inscrit la violence faite aux femmes et aux femmes au rang des priorités nationale dans la Constitution du 25 Novembre 2010. Notre pays a également adopté en 2010 l’ordonnance relative à la lutte contre la Traite des personnes et en particulier celle des femmes et des enfants. A n’en point douter, l’adoption de la Politique Nationale de Genre et de la Stratégie Nationale de Prévention et de Réponses aux violences basées sur le genre en 2017 fut une étape décisive dans la mise en œuvre du plan d’action national sur la résolution 1325 et l’agenda, « Femmes, Paix et Sécurité ».

 

Nous attachons une très grande importance à la prise en charge holistique des survivantes des violences sexuelles, surtout dans les zones les plus touchées par la crise sécuritaire et avons, à cet effet, créé des centres dans les régions de Diffa et Tillaberi. Les personnes en situation de déplacement forcé y sont particulièrement vulnérables car les populations déplacées, dont la majorité des femmes et des enfants, ont souvent moins de possibilités et d’accès aux services de base – ce qui peut les exposer à différentes formes de violences basées sur le genre dont les violences sexuelles.

 

Monsieur le Président,

 

L’un des moyens les plus efficaces de lutter contre les violences sexuelles liées au conflit est la prévention y compris l’accès à une éducation de qualité. A ce titre, le Niger a mis en place des Centres de Prévention, de Promotion et de Protection de l’Enfant (CEPPP) qui font des activités préventives concernant la communication pour un changement de comportement et de la prise en charge des cas de victimes de Violence Basée sur le Genre.

 

Par ailleurs, si notre pays a eu des avancées significatives dans le domaine de l’éducation, les attaques contre l’éducation et les écoles deviennent de plus en plus préoccupantes du fait du conflit. Nous devons protéger l'accès à l'éducation, en particulier pour les filles : c'est un moyen sur de pallier les causes profondes de la violence sexuelle, parmi lesquelles la discrimination sexiste, le manque d’opportunités économiques et les masculinités toxiques. L'accès à l’éducation peut contribuer à durablement combattre la pauvreté, remédier aux inégalités entre les sexes et donner tout simplement la dignité. Le Niger a, d’ailleurs signé la déclaration sur la sécurité dans les écoles (Safe Schools Declaration) et nous invitons les États membres, pas encore signataires, à en faire de même.

 

Pour conclure, le Niger voudrait émettre quelques recommandations additionnelles :

 

  • Premièrement, relativement à l’adoption d’une approche axée sur les personnes rescapées, il est important que les États membres mettent en place ou renforcent l’assistance juridique et judiciaire, au-delà des dimensions sanitaire, psychologique, sociale et économique. L’Agence Nationale de l’Assistance juridique et judiciaire au Niger en est un exemple.

 

  • Deuxièmement, cette approche doit être contextuelle et y inscrire des actions de proximité communautaires avec une prise en compte des mécanismes traditionnels de prise en charge. La Société Civile au Niger fait un travail remarquable sur ce point en collaboration avec les autorités locales et les organisations de femmes.

 

  • Troisièmement, la mise en œuvre ne peut se faire sans données fiables et désagrégées sur les violences sexuelles liées au conflit. Cette étape est importante pour assurer une mise en œuvre plus effective de l’agenda, Femmes, Paix et Sécurité sur lequel nous portons des réflexions profondes a ce tournant décisive pour cet agenda.

 

  • Enfin, dans les zones de conflit, il est essentiel que les États membres garantissent que les actes de violences sexuelles soient enquêtés et les auteurs punis. Les États membres devraient, dès lors, intensifier la formation des forces de défense et de sécurité nationales sur la violence basée sur le genre et les violences sexuelles liées au conflit.

 

Notre pays, en tant que contributeur de troupes, appelle à davantage d'efforts pour garantir que ces questions soient prises en compte dans les processus de paix y compris par le renforcement des systèmes d'alerte précoce.

 

Dans ce contexte mondial marqué par la pandémie COVID19, les violences basées sur le genre dont les violences sexuelles sont malheureusement en hausse. Notre pays, le Niger, réitère son engagement pour combattre les violences basées sur le genre et les violences sexuelles liées au conflit.

 

Je vous remercie pour votre attention.



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